Les Teke et Yaka sont disposés à fumer le calumet de la paix, afin que l’harmonie et la cohabitation pacifique soient restaurées à Kwamouth et ses environs, affirme le Premier ministre honoraire, Adolphe Muzito qui était en tournée dans ce territoire, pour notamment s’enquérir de la situation sur le terrain et assister moralement et matériellement les populations.
Selon les informations recueillies par l’ancien chef du gouvernement congolais, après échanges avec les autorités traditionnelles, les victimes (déplacés), la société civile et les autorités politico-administratives, deux faits peuvent être considérés comme les causes immédiates de ce conflit communautaire : la redevance coutumiere due aux Teke par les exploitants Yaka et l’installation d’un chef Yaka sur une terre Teke.
Cette situation a occasionné des dégâts graves. « Une situation humanitaire préoccupante avec plus d’une centaine de morts; plusieurs villages incendiés à 80%; des milliers de déplacés concentrés dans des refuges de fortune; des écoles brûlées et des enseignants et élèves en déshérence; une insécurité permanente, des champs abandonnés et des récoltes incertaines », a indiqué Adolphe Muzito, ce jeudi 22 septembre 2022, au cours d’une conférence de presse organisée à Kinshasa.
Pour résoudre cette crise, Muzito propose notamment la titrisation des terres (accorder des titres « droits » fonciers aux communautés locales, faire une nette distinction entre les terres appartenant à l’Etat et celles des communautés), renforcer la sécurité et réglementer la redevance coutumière.
(Ci-dessous, la restitution de la tournée de Muzito)
L’objectif de la tournée
Soutien moral et matériel
En prenant la décision de me rendre personnellement à Kwamouth, j’ai voulu, en dehors des informations diverses reçues par les médias, les réseaux sociaux et d’autres sources indirectes, voir, entendre, sentir moi-même la réalité de terrain. Bref, comme on dit, j’ai voulu palper du doigt la réalité de ce qui se passe à Kwamouth.
Par ma présence, j’ai voulu ainsi apporter un soutien moral et matériel à la population de Kwamouth que j’ai rencontrée tout le long de mon parcours.
Cet objectif de soutien moral et matériel aussi a déterminé le choix de mon itinéraire, car j’avais au départ de Kinshasa, le choix de prendre la voie fluviale et débarquer directement dans la Cité de Kwamouth, ou prendre la route.
La seconde option s’est imposée à moi et elle s’est révélée la bonne, car m’ayant permis de prendre la pleine mesure de ce qui est appelé conflit Teke-Yaka.
Sur ce parcours de plus de 2 300 kilomètres, nous avons pu nous rendre compte de la réalité suivante:
Une situation humanitaire préoccupante avec plus d’une centaine de morts; plusieurs villages incendiés à 80%; des milliers de déplacés concentrés dans des refuges de fortune; des écoles brûlées et des enseignants et élèves en déshérence; une insécurité permanente, des champs abandonnés et des récoltes incertaines.
Mais comment en est-on arrivé là alors que jusqu’il y a peu, les 2 peuples Teke et yaka vivaient en harmonie sur les mêmes terres dont on dit qu’ils se disputent aujourd’hui ?
Les Causes et acteurs du conflit
cause immédiate
De ce que j’ai entendu de différents témoignages, récits de plusieurs acteurs de terrain, il n’est pas évident de dire avec précision ce qui a conduit à la situation que nous déplorons aujourd’hui.
Toutefois, on peut relever quelques éléments constants qui constituent des événements immédiats de ce qui peut être considéré comme événement déclencheur: La redevance coutumiere due aux Teke par les exploitants Yaka et L’installation d’un Chef Yaka sur une terre Teke.
Ces 2 faits présentés par d’aucuns comme étant la cause de ce qui est aujourd’hui « massacres de Kwamouth » ne suffisent cependant pas à justifier ces violences qui embrasent des dizaines de villages.
Il faut entendre et prendre compte d’autres informations pour mettre en contexte ces faits et saisir leur portée.
Beaucoup de sources locales, sur la base des documents auxquels nous avons eu accès, confirment que ces deux faits ont été manipulés par des acteurs politiques. Ce sont les fameuses forces souterraines dont on parle et qui nous amènent à parler des acteurs de ce conflit.
Les acteurs du conflit
Logiquement, dans un conflit qui oppose deux communautés, les acteurs et parties au conflit sont les Teke et Yaka.
Pourtant, sur le terrain, Teke et Yaka, sans afficher une haine les uns envers les autres, affirment que ceux qui les tuent ne sont pas toujours les leurs, parce que, eux, ils vivent en harmonie depuis des siècles.
Cette présence des personnes étrangères aux deux communautés est une des constances sur ce point des acteurs.
Il y a certes sur ces terres de Kwamouth des acteurs qui ne sont ni Teke ni Yaka. Cela est évident parce que les nombreux exploitants des fermes et champs, ne sont pas seulement Teke et Yaka.
Ici, il faut expliquer que quand on dit Yaka, il faut entendre toutes les autres communautés du Congo qui ne sont pas Teke. Cela dit, dans ce cadre-là, les informations de terrain font ainsi état de la présence des personnes étranges ou étrangères, notamment des « Mbororo ».
Pour ne les avoir pas vus, je ne peux confirmer leur présence. Mais cela ne me permet pas d’affirmer qu’ils n’existent pas.
Cette question des parties au conflit amène aussi à parler des moyens d’action.
Dans une région à vocation agricole, les atrocités déplorées se commettent à la machette évidemment mais pas seulement.
Les gens sont tués à l’arme de chasse et à l’arme de guerre. La présence de ces armes de guerre sur ce qui n’est pas un terrain d’opération militaire, est tout au moins le début de la preuve qu’il existe d’autres acteurs au conflit en arrière-plan.
Les propositions des solutions
Sur le plan sécuritaire
Renforcer la sécurité avec le déploiement des éléments de la police et de l’armée, pour combattre les forces négatives.
Sur le plun humanitaire
Assistance aux victimes en les aidant à se réinsérer dans leurs milieux de vie; Distribution des kits de reprise et des outils aratoires et des semences; Initier un programme urgent de réinsertion sociale en construisant des maisons d’habitation et des écoles; Offrir une perspective d’emploi aux femmes, aux jeunes pour les soustraire à la manipulation de tout genre.
Sur le plan politique
Organiser la palabre coutumière pour parler de ce qui est arrivé, exorciser les esprits de divisions, de tuerie et pacifier les cœurs; Restaurer l’autorité coutumiere usurpée dans ses droits; Engager les leaders religieux locaux catholiques et protestants à reconstruire le système scolaire et sanitaire.
Sur le plan judiciaire
Engager des poursuites judiciaires à l’endroit de tous les auteurs des atrocités; Identifier les acteurs négatifs au sein de deux communautés et les faire juger et sanctionner par les mécanismes réguliers de justice.
Sur le plan légal et réglementaire
Titriser les terres en distinguant celles de l’Etat et de celles de la communauté; Réglementer la redevance coutumiere; Réglementer le pouvoir coutumier dans les terres locales ou ancestrales.
Sur le plan économique
Engager des travaux de stabilisation des voies de communication; Aider à la reprise de l’activité économique et agricole.
Adolphe Muzito, Premier ministre honoraire de la RDC
Africa actu