Dans son énième rapport de monitoring de prison sur la problématique de la surpopulation carcérale et de cas de détentions en situation judiciaire irrégulière, la FBCP appelle au désengorgement des prisons et institutions carcérales à travers le pays ainsi que sur l’application stricte de la loi dans l’administration de la justice.
La Fondation Bill Clinton pour la paix (FBCP), en collaboration avec le collectif d’ONG de défense des droits de l’Homme de la République démocratique du Congo (RDC), vient de publier, le 24 août, dans la salle de réunions de la Commission nationale aux droits de l’Homme à Gombe, son énième rapport de monitoring de prison sur la problématique de la surpopulation carcérale et de cas de détentions en situation judiciaire irrégulière. Cette association, qui fait allusion à toutes les prisons et maisons carcérales à travers le pays, a mis en exergue les deux institutions de la capitale congolaise, la prison centrale de Makala (PCM) et la prison militaire de Ndolo (PMN).
Dans ce rapport livré par Joseph-Désiré Mokwando de l’ONG DDU, ces organisations ont fait savoir que la PCM, construite pour accueillir 1500 détenus, en abrite, à ce jour, 9 652 parmi lesquels 209 femmes, 442 jeunes et 15 mineurs accompagnés de leurs mères. Alors que la PMN, construite à l’époque coloniale et réhabilitée par les Pays-Bas à travers leur ambassade en RDC, pour une capacité d’accueil de cinq cents pensionnaires, connaît actuellement un débordement et héberge 2020 détenus dont le nombre des condamnés est de 380. «C’est ce qui est à la base du transfèrement pour logement de certains prisonniers militaires à la PCM », ont souligné la FBCP et le collectif d’ONGDH.
Des droits bafoués
Dans ce document, ces ONG ont principalement fait des analyses des droits économiques, sociaux et culturels des pensionnaires de ces institutions carcérales ainsi que des autres justiciables. Ces organisations ont noté qu’à cause de la surpopulation, certaines détenus passent les nuits à même le sol voire dans les installations hygiéniques. « Dans certaines cellules, les détenus dorment debout par manque d’espace alors que les installations hygiéniques sont construites sans tenir compte de l’aspect genre », ont souligné les associations. Elles ont, en outre, fait remarquer que cette surpopulation carcérale serait à la base de plusieurs maladies. « Le constat fait est que beaucoup de détenus soufraient des maladies respiratoires et des infections génitales causées principalement par les mauvaises conditions d’hygiène », ont indiqué la FBCP et le collectif d’ONGDH. Et de souligner que l’alimentation des détenus pose aussi de graves problèmes. «La nourriture qu’on donne aux détenus ne contient pas des éléments nutritifs complets pouvant leur permettre à lutter contre les maladies », ont-elles fait constater. Ce qui est, selon ces ONG qui en attribuent la responsabilité à l’Etat congolais, à la base de nombreux cas de décès enregistrés.
Des promesses non tenues
La FBCP et le Collectif d’ONGDH rappelle la promesse faite par la ministre chargée de la Justice pour l’amélioration des conditions carcérales, particulièrement le désengorgement des prisons. Ces organisations déplorent également la lenteur dans le travail des magistrats et des juges. Elles indiquent que beaucoup de personnes détenues dans les prisons et autres maisons carcérales à travers pays le sont en violation des lois de la République. Pour s’en convaincre, ces ONGDH citent certains cas emblématiques dont celui de l’ancien Directeur général du Bureau central de coordination, Théophile Matondo, qui attend le prononcé de son verdict à la Cour de cassation depuis près de six mois, alors que le ministère public avait sollicité son acquittement pur et simple, le jugeant innocent des faits mis à sa charge. Ces ONG ont également relevé le cas de l’ex-député Bukatsuraki Kavusa Semeyi dont le dossier reste en souffrance pour exécution de l’arrêt rendu par la Cour de cassation en annulant ou cassant la condamnation de 10 ans de prison ferme prononcée contre lui par la Haute cour militaire. Et de noter également le cas Barnabé Milingani, arrêté pour l’infraction d’outrage au chef de l’état, qui devrait bénéficier de la grâce présidentielle. La FBCP et le Collectif d’ONGDH notent, par ailleurs, l’état de santé dégradé de toutes ces personnes citées dans leur argumentaire.
Cette publication de rapport était une occasion pour la Commission nationale aux droits de l’homme (CNDH), représentée par le Conseiller et chef de cabinet de son président, Mè Pierre Esanganya, de souligner la qualité positive de ce rapport, qui va la droite ligne du travail de cette institution d’appui à la démocratie. « Les préoccupations de la FBCP sur la surpopulation des prisons sont aussi celles de la CNDH, qui les a relevées dans un de ses rapports », a-t-il indiqué. Et d’encourager les efforts menés par cette ONG dans l’accomplissement de sa mission.
Le président de la FBCP et coordonnateur du Collectif d’ONGDH, Emmanuel Adu Cole, a lui, noté une évolution dans la volonté du pouvoir actuel de faire avancer les droits de l’homme. Mais, a-t-il fait constater, beaucoup reste à faire, étant donné que cette volonté doit être traduite dans les actes. Notant que les droits de l’homme concernent tout le monde, Emmanuel Adu Cole, a appelé le gouvernement et autres institutions de la République de penser aussi aux Congolais lambda, qui croupissent dans les prisons à cause des procédures judiciaires lourdes et le non-respect de la législation de la part des juges et autres magistrats.
Dans leurs recommandations, ces ONG ont notamment appelé à la mise en œuvre de la politique du désengorgement des prisons. Elles ont, à cet effet, appelé le chef de l’Etat, au nom de qui les jugements sont appliqués, à faire pression sur la justice, en interpellant les magistrats pour faire correctement leur travail, dans le respect de la loi. Ces ONG ont également recommandé la construction d’autres prisons à travers le pays ainsi que la réhabilitation de celles qui existent. Devant des ambassadeurs accrédités en RDC, des enseignants, des juristes, des étudiants, des chercheurs, la presse, et des défenseurs des droits de l’homme qui ont assisté à cette activité organisée dans la salle de réunions de la CNDH, à Gombe, Emmanuel Adu Cole a également fait état de l’existence des cachots clandestins alors que le chef de l’Etat avait promis, à sa prise des fonctions, de mettre fin à cette situation. Il a également dénoncé les magistrats, qui considèrent les prisons comme des dépôts en vue d’obtenir de l’argent de caution, de ceux qui sollicitent la libération.
La conseillère juridique au cabinet du chef de l’Etat, Mè Yvette Mukendi Muanjelu, représentante du directeur de cabinet à cette activité, a émis le vœu de voir créer un cadre de concertation ou de travail entre la Présidence de la République, la CNDH et les ONGDH, pour discuter de la possibilité de faire avancer les choses dans le domaine des droits de l’homme. Elle a pris l’engagement de travailler dans ce sens pour la mise sur pied de cette structure proposée.