janvier 19, 2025

«LES CHANTRES DE LA RÉVISION OU DU CHANGEMENT N’OFFRENT AUCUN CONTENU NI UNE PÉDAGOGIE POUVANT FAVORISER L’INTÉRIORISATION DE SON BIEN FONDÉ»

L’actualité reste dominée par la question de la révision et du changement de la Constitution, depuis le débat par le Président de la République Félix Tshisekedi et quelques responsables politiques de son camp. AfricaNews a approché Me Serge Mayamba, avocat au barreau de Kinshasa/Matete et député national honoraire, homme politique formé à l’Ecole d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba auprès de qui il a exercé plusieurs fonctions dont la toute dernière était celle de mandataire auprès de la Commission électorale nationale indépendante -CENI- à l’élection présidentielle de 2011. Connu pour son franc-parler et surtout sa défense des valeurs de justice, Mayamba sort du silence et donne son point de vue sur la révision ou le changement de la Constitution pourra inspirer l’élite Rd-congolaise. «L’opinion doit retenir que lorsqu’on parle de la révision constitutionnelle, il s’agit tout simplement d’une révisitation du texte existant alors qu’avec le changement de la Constitution, on fait table rase du cadre institutionnel existant», dégaine-t-il. Mayamba est de ceux qui pensent que l’élite du pays devrait reprendre sa place de guider une société en perte des valeurs. Entretien.

Me Serge Mayamba, le débat sur la révision ou changement de la Constitution fait rage. La majorité y adhère facilement et l’opposition s’y oppose farouchement. Quelle est votre réaction?

Le débat actuel autour de la révision de la constitution est, à tous points de vue, l’expression de l’incohérence de la classe politique de notre pays qui, depuis plusieurs années, n’a offert aucun contenu réel à la problématique de la révision constitutionnelle. Tout se résume en termes de refus de tout ce qui vient du camp opposé. L’opposition d’hier l’a fait face à tout soupçon de révision et les tenants du pouvoir d’hier sous Joseph Kabila, pourtant à la manœuvre de plusieurs initiatives de révision, s’opposent sans motif politique légitime. A bien examiner les choses, on se rend compte que la plus grande difficulté vient du fait que les chantres de la révision n’offrent aucun contenu à la révision constitutionnelle, ni une pédagogie en vue de l’intériorisation de son bien-fondé. Les uns et les autres s’abstiennent, du reste à dessein, d’admettre que toute constitution d’un Etat de droit moderne prévoit les mécanismes de révisitation de ses dispositions, le pouvoir constituant dérivé étant institué pour ce faire.

Qu’est-ce qui devrait être fait pour faire passer cette initiative?

Je préfère parler de ce qui aurait dû être fait. La révision constitutionnelle aurait dû être présentée au peuple dans le cadre d’un programme de campagne pour tout celui qui concourt à la magistrature suprême. Il s’agit d’une question sensible qui requiert une adhésion populaire. Les questions sensibles déterminant l’avenir des peuples ne doivent pas être abordées comme des faits divers, avec légèreté ou comme des acquis.

Le Chef de l’Etat RD-congolais a justifié le changement de la Constitution par le fait que, selon lui, l’actuelle a été rédigée par les étrangers. Qu’en dites-vous?

Une lecture rétrospective a opposé un démenti à cette perception des choses au regard de la participation prouvée de plusieurs éminences grises de notre pays à la rédaction de notre loi fondamentale. J’aurai bien aimé que le Président de la République puisse, peut-être, insisté sur l’influence que des Etats étrangers, surtout occidentaux, auraient exercé sur le politique RD-congolais durant cette période de rédaction.

Quelle compréhension avez-vous de l’article 217 de la constitution lorsque le Président de la République affirme qu’il offre une possibilité de cession d’une partie du territoire national à un Etat tiers?

Un jugement tenant compte de certaines circonstances atténuantes pourra bien comprendre cette position comme une simple lecture, la science juridique se fondant également sur des considérations doctrinales qui, du reste, ne sont pas à l’abri d’une compréhension erronée d’une question de droit. Il est de notoriété rationnelle incontestable que la cession dont question dans cette disposition renvoie à l’exercice des attributs de la souveraineté et non à la cession d’une partie du territoire. Le temps y apportera des correctifs. Cette non-vérité ne peut trouver d’amélioration qu’avec l’implication des experts en la matière.

A quoi doit-on s’attendre avec le changement de la Constitution?

Il s’agit d’une question très sensible qui consacre le renversement de l’ordre institutionnel existant et qui est le fait du Prince. Ce dernier s’arroge les attributs du Pouvoir constituant originaire en imposant sa volonté qui passe par une pseudo-implication de la population, l’objectif étant d’être le seul Maître à bord et de s’offrir plus de temps de règne.

Qu’adviendrait-il une fois le changement de notre Constitution réalisé?

L’instauration d’un nouvel ordre politique avec une nouvelle configuration institutionnelle, une instabilité politique marquée par la contestation permanente de la légitimité du pouvoir issu du changement de la Constitution.

L’Association des constitutionnalistes RD-congolais a écrit au Président de la République pour solliciter son implication dans les discutions relatives au changement de la Constitution. Doit-on confier cette tâche aux seuls constitutionnalistes ou faudra-t-il y impliquer les experts des autres domaines, selon l’entendement du Président de la République qui a promis de mettre en place, dès l’année prochaine une commission interdisciplinaire?

Je suis de ceux qui pensent que l’appel de cette association vient à point nommé. Il s’agit là d’une occasion de réhabilitation de l’élite de ce pays à qui on fait souvent jouer le rôle d’accompagnateur des projets politiques alors que le Politique doit plutôt soumettre sa pensée à l’élite avec pour mission d’en donner un contenu. Il est incontestable qu’au stade actuel, l’absence de pédagogie et de contenu rend difficile la compréhension de la problématique de la révision et pourquoi pas du changement de la Constitution. La révision ou le changement d’une loi fondamentale nécessite l’implication de ceux qui savent en retracer l’histoire et qui doivent être capable de l’interroger en vue de son adaptation aux circonstances des temps et des lieux.

Votre message aux pro et anti-révision de notre constitution?

Il est plus qu’important que l’Homme politique RD-congolais recourt à la fenêtre d’Overton pour espérer obtenir l’adhésion populaire à des questions d’une si grande importance comme celle faisant l’objet de notre entretien. L’occasion est aussi donnée aux RD-Congolais de prouver à la face du monde qu’ils n’ont jamais fait le choix d’être un peuple de mauvaise qualité.

Octave MUKENDI

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